OUVRAGES/ARTICLES : On les a lus et on vous les conseille!
Par Jacqueline Fastrès
Tout sujet humain plongé dans un environnement excluant est susceptible, pour se protéger de cette souffrance, de développer un syndrome d’auto-exclusion : une sorte de grève de la subjectivité avec soi-même et avec autrui, qui arrête le mouvement du temps dans une forme de disparition du sujet. Le conflit entre les droits de l’homme et les flux abstraits d’argent, de marchandises et d’individus, en attente d’une régulation nouvelle des grands groupes humains, est affirmé comme le déterminant majeur de l’auto-exclusion, qui touche non seulement les plus démunis, mais aussi ceux qui semblent avoir « tout pour être heureux » : en effet, la précarité ici définie se différencie radicalement de la pauvreté, qu’elle peut à l’évidence accompagner et produire. La précarité, dans sa forme actuelle, est la misère des pays riches, exportable dans le monde entier.

" Qui sont les sans-abri ? " ; "Comment devient-on SDF ? " ; " Somme-nous tous susceptibles de nous retrouver un jour à la rue ? " ; " Comment peut-on s'installer
durablement dans le sans-abrisme ? " sont quelques-unes des questions que chacun d'entre nous est amené à se poser face à un phénomène en expansion dans la plupart de nos grandes villes depuis
une quinzaine d'années.
Le présent ouvrage propose un éclairage pluriel sur une problématique complexe, en l'abordant dans une optique comparative et multidisciplinaire. Afin de mettre en lumière le traits communs aux
personnes sans-abri et à leur parcours de vie, l'ouvrage explore trois " terrains " distincts : la Belgique, la France et le Portugal. En œuvrant avec des acteurs institutionnels et des ONG
d'aide aux personnes sans-logis ainsi qu' " en tant que " sans domicile fixe lui-même, l'auteur multiplie les points de vue et met en exergue la violence extrême qu'exerce l'environnement de la
rue sur ses usagers principaux.
Afin de survivre a ce milieu destructeur, ces derniers sont contraints à se soumettre à toute une série d'adaptation, qui, a leur tour, vont encore renforcer la dépendance de l'individu vis-à-vis
dudit milieu. Ce véritable cercle vicieux va mener le sans-abri à " l'exil de soi ", processus de désocialisation à ce point poussé que celui qui en est victime se trouve graduellement dépourvu
de tout support social.
En sus d'apporter un certain nombre d'évidences montrant que la sans-abrisme peut conduire aux mêmes extrémités dans des milieux socioculturels très différenciés, cet ouvrage met également en
lumière le fait que certaines institutions d'aide sociale, en ne prenant pas suffisamment en compte les contraintes environnementales auxquelles sont soumises les personnes souffrant d'extrême
exclusion, participent au renforcement du processus d'exil de soi.
Partant d'un phénomène marginal ne concernant qu'une infime minorité de citoyen, une des contributions majeures de cet ouvrage tient en ce qu'il nous livre des éléments le réflexion sur la
dynamique de la socialisation, à commencer par sa fragilité. La figure du sans-abri devient ainsi un miroir déformé dans lequel il est pourtant - et c'est sans doute pour cela qu'elle est si dure
à affronter - toujours possible de se reconnaître.
Les SDF sont depuis une vingtaine d'années ciblés par des dispositifs de plus en plus spécialisés.
Jusqu'où est-il légitime et efficace de spécifier les SDF et de différencier les réponses à leurs difficultés ?
Ce livre, s'appuyant sur un corpus de données originales, analyse le système de prise en charge des sans-abri. Celui-ci, typique des phénomènes actuels d'hybridation de l'action publique, rassemble, autour de l'Etat et dans des relations de dépendance mutuelle, les associations, les collectivités locales, les médias et les SDF eux-mêmes. Ces derniers, confrontés à des contraintes et des problèmes extrêmes, sont envisagés ici comme des acteurs sociaux. Le bricolage de leur vie quotidienne a des effets sur les dispositifs d'assistance qui peu à peu s'institutionnalisent. Le développement des mesures et des moyens particuliers retentit sur l'architecture d'ensemble d'une protection sociale qui voit faiblir sa visée universaliste.
Dans cet ouvrage, l'action publique est analysée conjointement avec la catégorie à laquelle elle est destinée. Cette orientation permet une évaluation critique du " prioritarisme " (la priorité au plus défavorisé), du ciblage et du partenariat dans la mise en oeuvre des politiques publiques.
Le secteur social et médico-social, qui concerne différents domaines (protection de l'enfance, handicap, personnes en difficulté sociale, personnes âgées), est soumis
depuis des années à une évolution législative et réglementaire constante affirmant le droit des usagers.
Ce phénomène, loin d'être passager ou périphérique, s'inscrit au coeur d'évolutions sociales majeures, liées à l'émergence d'un individu contemporain plus exigeant dans son rapport aux
institutions. Récemment, la loi 2002-2, ayant vocation à unifier le système réglementaire de tous les établissements sociaux et médico-sociaux, a fait de la question des droits des usagers un
thème central, en imposant aux structures différents outils d'information et de concertation.
Donner une place plus importante aux personnes au sein de l'action menée suppose à la fois de développer une éthique et des savoir-faire collectifs, dans une relation mettant en avant l'alliance
avec l'usager autant que la technicité des structures. Encourager ce mouvement constitue potentiellement un levier important de renouvellement des pratiques et des motivations. Nourri de nombreux
exemples, ce livre propose une réflexion sur les enjeux de cette évolution, les obstacles à contourner, les pistes à explorer et les savoir-faire qui peuvent être développés dans les structures
et services, afin que cette place de l'usager au sein de l'action menée progresse.
Pourquoi tant de gens dorment-ils dans la rue ? Pourquoi ne trouve-t-on pas de solutions efficaces ? Telles sont les questions que pose Pascal Noblet, et auxquelles il
apporte des réponses dérangeantes.
Car pour l'auteur de cet essai, la raison principale du fait que les SDF restent dans la rue est leur instrumentalisation politique. Plutôt que d'essayer de comprendre leurs trajets et leurs
véritables problèmes, les uns offrent des réponses uniquement de court terme au nom d'une politique de l'urgence, et les autres s'illusionnent en se concentrant sur de la politique du logement,
qui serait une solution miracle au " sans-abrisme ".
Ces approches, soit trop immédiates, soit trop longues, font obstacle à la mise en œuvre de solutions durables et pragmatiques, spécifiques à cette population. Heureusement, durant l'hiver
2006-2007, un coup de boutoir a changé la donne. La mobilisation nationale des sans-abri, emmenée par les Enfants de Don Quichotte, a ouvert la voie à une politique nouvelle. En cassant les
consensus en place, et en analysant cette nouvelle dynamique, cet essai prolonge cette mobilisation et devrait aider à modifier les choix publics.
Il a fallu des siècles de sacrifices, de souffrances et d'exercice continu de la contrainte pour fixer le travailleur à la tâche, puis pour l'y maintenir en lui
associant un large éventail de protections qui définissent un statut constitutif de l'identité sociale.
Mais c'est au moment même où la " civilisation du travail ", issue de ce processus séculaire, paraissait consolidée sous l'hégémonie du salariat et avec la garantie de l'État social que l'édifice
s'est fissuré, faisant ressurgir la vieille obsession populaire d'avoir à vivre " au jour la journée ". Désormais, l'avenir est marqué du sceau de l'aléatoire. La question sociale, aujourd'hui,
se pose à partir du foyer de la production et de la distribution des richesses, dans l'entreprise, à travers le règne sans partage du marché - et donc n'est pas, comme on le croit communément,
celle de l'exclusion.
Elle se traduit par l'érosion des protections et la vulnérabilisation des statuts... L'onde de choc produite par l'effritement de la société salariale traverse toute la structure sociale et
l'ébranle de part en part. Quelles sont alors les ressources mobilisables pour faire face à cette hémorragie et pour sauver les naufragés de la société salariale ?
L’association de l 'Etat de droit et de l 'Etat social devait permettre de construire une " société de semblables " où, à défaut d'une stricte égalité, chacun serait
reconnu comme personne indépendante et prémuni contre les aléas de l'existence (chômage, vieillesse, maladie, accident du travail...) ; " protégé ", en somme.
Ce double pacte - civil et social - est aujourd'hui menacé. D'un côté, par une demande de protection sans limites, de nature à générer sa propre frustration. De l'autre, par une série de
transformations qui érodent progressivement les digues dressées par l 'Etat social : individualisation, déclin des collectifs protecteurs, précarisation des relations de travail, prolifération
des " nouveaux risques "...
Comment combattre cette nouvelle insécurité sociale ? Que signifie être protégé dans des " sociétés d'individus " ? C'est à ces questions que tente de répondre Robert Castel.
Les premiers centres d'accueil ont été créés dans les années 1880. Depuis ces asiles de nuit rudimentaires, un long chemin a été parcouru. Les populations se sont transformées, les centres se sont multipliés, les pratiques ont changé. Alors qu'il existe plusieurs ouvrages consacrés aux sans-abri, plus rares sont ceux qui décrivent les dispositifs d'hébergement mis en place pour leur venir en aide. Le lecteur côtoiera dans ce livre l'histoire du secteur en Belgique, puis plongera dans les réalités contemporaines: le "filet de sécurité" que constitue le réseau des centres, les populations hébergées, les pratiques d'accompagnement. Ceci pour faire face à des défis considérables. La précarité croissante, les nouvelles formes de pauvreté, d'exclusion sociale, d'exil de soi ou d'ailleurs, dépassent en effet l'image du sans-abri à laquelle les médias nous ont habitués.

La participation renvoie à un modèle de société qui prend ses distances avec la division du travail et la société salariale.
Elle redéfinit les principes présidant l'action publique. Et pour l'action sociale, l'assistance étant jugée trop passive et l'État providence engendrant trop l'assistanat, une législation
instaurant la participation entend lui substituer un modèle d'appartenance plus actif, plus individuel et mieux maîtrisé par chacun. Pour autant, quelle est la réalité de la participation ?
Comment comprendre sa notoriété et vérifier sa pertinence ? Peut-on réinventer une nouvelle citoyenneté grâce à la participation, et si oui, comment et dans quel cadre ? La participation ne
cache-t-elle pas un nouveau projet normatif par une économie libérale dominante ? Cet ouvrage est issu d'un séminaire associant professionnels et chercheurs, conçu par la chaire de travail social
du Centre national des arts et métiers (Cnam), le Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (Lise), le Groupement de coopération de recherches en action sociale et
médico-sociale d'Île-de-France (Gril), qui rassemble plusieurs instituts de formation en travail social, et le Centre d'économie sociale, travail et société (Cestes) du Cnam.